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MTO / « Paris sous mes bombes »
(petite) Polémique dans le monde du street Art.
L’association le M.U.R. Oberkampf propose depuis plusieurs années à des artistes d’art d’urbain d’investir un mur de 3x8m situé à l’angle des rues Saint-Maur et Oberkampf (Paris, 11e). Cette exposition régulière, qui est devenue avec le temps une galerie à ciel ouvert, a pour objectif de créer une passerelle entre un quartier, ses habitants et le monde de l’art urbain. Les oeuvres présentées sont éphémères et réalisées, soit en atelier puis posées comme des affiches, soit sur place telle une performance.
De nombreux artistes et collectifs artistiques (plus d’une centaine à ce jour) ont depuis 2007 recouvert ce « mur », dont les très célèbres Ben, C215, MissTic, ROA, Shepard Farey, Vhils, etc.. Pour tous, la même « règle du jeu » : L’oeuvre doit s’inscrire dans un cadre vertical de 24 m2…avec une petite enveloppe pour défraiement.
Le 6 avril 2013, l’association attend MTO, le très talentueux street artiste français. Rendez-vous pris à 12h30 avec l’artiste devant le célèbre mur pour la performance artistique suivi d’un vernissage le jour même à 18H00. Enigmatique MTO qui, à 12h30 par un simple sms, prévient les organisateurs que tout démarrera à 18h00 précise, sans plus d’explication ni de sms en retour et en réponse aux interrogations des membres de l’association.
A 18h00 donc, retour devant le « mur »… un homme cagoulé arrive et déplie un carton d’environ 2m2 sur lequel est présent un QRcode. Un message additionnel informe les spectateurs que cette personne restera sur place 30mn, et que le QRcode pourra être ensuite collé sur le « mur » selon le souhait et l’envie de l’association. Le code renvoie sur un diaporama Flickr intitulé « TAGTICAL MEDIA 2 – Paris sous mes bombes« , dans lequel défile une série de 43 photos. Les photos font apparaitre des messages taggués par MTO sur les murs parisiens.
Provocation ! MTO a choisi de digresser les règles. Il expliquera par la suite (voir le Slideshare « MTO @ Le MUR Oberkampf ») que la performance attendue de « street art labeur » lui aurait demandé 2 à 3 jours, et qu’après réflexion, la remise en jeu du projet « Tagtical Media » lancé à Berlin (ville où il vit) entre 2010 et 2012 lui apparaissait être un beau challenge artistique, un projet « de, avec et pour la rue « . Le projet de MTO consiste à remplacer l’exposition fixe par une exposition ubique, sur de multiples lieux, tous reliés virtuellement les uns aux autres et accessibles dans un média unique via le web. Le lieu fixe reste le tableau noir, le « mur », vierge et ouvert aux tags des passants, qui grace au QRcode, renvoie sur une exposition qui s’affranchit des contraintes d’espace, de temps et de contenu.
Indignation des organisateurs, dont l’un des membres enverra à MTO quelques jours après le mail suivant :
« Salut MTO, Au sujet de ton mur de samedi… sache que je déteste qu’on me prenne pour un imbécile. Certes je ne sui pas un gars rancunier, mais je n’ai pas la mémoire courte, Loin de là… »
Ca chauffe dans le monde du street art !
Pourquoi une telle missive ? Qu’est-ce qui motive une telle réaction de la part d’un membre d’une association dont l’histoire et l’action a toujours été celle de la promotion de l’art urbain, sous toutes ses formes ?
En réponse et en synthèse, MTO soulève la question de la relation du rapport performeur/spectateur : « Je considère (…) que ce n’est pas au public de décider ce qui doit lui être présenté, c’est à l’artiste de choisir dans quelle direction il désire emmener son public, ceci à ses propres risques et périls »
Performance artistique ou pure provocation ?
Les deux of course ! Je dois d’abord préciser que je suis fan de MTO, et que comme tous fans, je suis aveugle, bête et voue une admiration irrationnelle à son talent. MTO n’est pas seulement un artiste aux créations visuelles hyper réalistes remarquables, il y a toujours dans son travail un message en filigrane. Ses oeuvres s’inscrivent dans une démarche plus large que la simple performance graphique. Je vous invite vivement à regarder l’excellent documentaire « FL – Umpremeditated Movie » pour comprendre le sens de cette démarche. Par ailleurs, d’autres artistes, ont déjà travaillé sans contestation avec le concept artistique des espaces ubiques et libertaires. Pour preuve le projet « anywhere, anyone, anytime » de Laurent Moriceau, et dans une moindre mesure, le projet « Code Your Mind » du collectif toulousain TazasProject.
« Paris sous mes bombes… et pendant 2 semaines, le M.U.R. est à tout le monde »
Le concept est limpide, tant dans son sens que dans sa réalisation. Un joli pied de nez qui nous rappelle que l’artiste reste libre de son oeuvre, que le street art est un art libre, qui s’affranchit de tous cadres, de toutes organisations, même associative. Cependant, le travail exceptionnel de promotion fait par les associations, les passionnés, les organisateurs bénévoles,.. doit aussi être valorisé, avec leurs règles : Un ou deux complices au sein de l’association aurait peut-être permis un meilleur « partage » (?), essence même de l’art urbain.
Au-delà de la discorde, j’espère que nous pourrons prochainement voir une oeuvre de MTO sur les 24m2 du « M.U.R. » situé au croisement des rues Saint-Maur et Oberkampf.
A lire : article du blog quandLM