Dans les favelas, du Nord au Sud du Brésil

Par Alain , 12 février 2025

Peu de lieux au monde conservent encore cet esprit original du graffiti, populaire et inclusif, lui conférant un rôle social irremplaçable, que les communautés concernées font en sorte de conserver. Le Brésil nous en offre un bel exemple …

 

Loin des festivals à l’organisation très léchée, certaines villes du Brésil ont conservé cet esprit du graffiti et plus largement de la culture urbaine, populaire par excellence, notamment dans les favelas.

C’est ainsi le cas dans deux localités de la côte brésilienne qui -étrangement – portent le même nom: Caixias ; l’une dans l’agglomération de Rio de Janeiro, l’autre plus au sud, dans l’état de Rio Grande do Sul. Une belle distance entre les deux, mais comme dans tous les états du Brésil où rien ne change, les favelas ont la même synergie, beaucoup de vie, de joie. Ici le graffiti en est un symbole vivant et bien plus. Et ce rapprochement improbable des deux lieux n’est pas totalement fortuit …

 

Du Nord …

Tout a commencé a Rio de Janeiro en 2006 lorsque Kajaman, aujourd’hui artiste reconnu dans son pays et au-delà* a eu l’idée de créer un festival de graffiti communautaire, à Duque de Caxias, Rio de Janeiro : Meeting of Favela (MOF)

Le MOF transcende l’art urbain, favorisant un impact direct sur la communauté locale. En plus de transformer les rues avec des couleurs et des formes vibrantes, l’événement fournit une interaction entre les artistes et les résidents, servant de plate-forme pour l’accès à la culture pour les jeunes et les enfants. Les attractions vont au-delà des graffitis, et comprennent aussi la breakdance, les batailles de rap, les spectacles musicaux et les ateliers, autant de disciplines qui augmentent la portée culturelle de l’événement. Le MOF est assurément plus qu’un festival : « Nous voulons donner accès à l’art et montrer que, même avec des cultures et des origines différentes, nous pouvons nous unir par le biais de graffitis et de la culture urbaine », renforce l’un des organisateurs.

L‘événement remet en question les préjugés et les stigmates associés aux graffitis et favorise l’inclusion sociale et culturelle. une étape importante dans l’intégration de l’art, de la communauté et de la diversité. Le Village des Travailleurs, autrefois stigmatisé par la pauvreté et la violence, est maintenant considéré comme un centre de la culture et de l’art. Au cours de l’événement, les résidents s’engagent directement en offrant des services, un hébergement et des produits, au grand bénéfice du tourisme et de l’économie locale.

Un gros succès depuis près de vingt ans qui en fait aujourd’hui avec la force de toute la communauté de Vila Operária le plus gros festival d’art urbain au monde, sans oublier le soutien aussi d’artistes internationaux (Mr Cenz en Pré MOF 2024).

 

 

… au Sud

Plus au sud, s’est cré en 2022 le festival Revolução à l’initiative du collectif CTGKLAN, et avec le soutien de l’inévitable Kajaman. Aujourd’hui le projet Mosaico na Quebrada poursuit sur la même dynamique pour colorer le Complexo da Antenna. Il s’agit d’un projet d’arts visuels et de graffiti, au sein de la favela d’Euzébio Beltrao de Queiraz, dans la ville de Caxias do Sul, où vit une communauté « à faible profil socio-économique », fruit de l’invisibilité sociale.

La véritable essence du graffiti comme forme d’art et résistance constitue ici un pont pour la transformation positive et efficace non seulement dans la ville, mais surtout au sein des communautés, formant un brassage qui relie les artistes, les communautés et les personnes issues de milieux et d’histoires différents.

Plus qu’une expression culturelle et artistique, le graffiti a toujours été un moyen puissant de transformation sociale, donnant toujours la parole à ceux qui étaient souvent réduits au silence, et leurs trajectoires illustrent parfaitement comment l’art peut être un catalyseur de ces changements.

Confrontés depuis 20 ans à des défis et à des préjugés pour maintenir la culture de l’art de la rue les jeunes de la communauté ont, dans l’art, une forme d’expression, d’amélioration de l’estime de soi et d’ouverture de nouvelles possibilités. Pour de nombreux résidents, les graffitis sont plus que la peinture: c’est un symbole de transformation.

Dans un rôle qui dépasse l’artistique, le Mosaic de Quebrada agit tout au long de l’année pour créer du lien, propose un programme permanent pour aborder les thèmes nécessaires, pertinents et émergents pour la communauté. Une fenêtre pour entamer des dialogues sur les problèmes de la banlieue, en même temps que les actions artistiques et la requalification urbaine.

 

Texte : Alain
Photos  (Nord) © Martha Cooper– BSA  /   © Studioflop   /  © Clarissa Pivetta
(Sud)  © OFF

Plus sur  Meeting Of Favela    /   Mosaico na Quebrada

Michel Firma     /    Mr Cenz

*  sur Kajaman  :  street-art-avenue.com/street-artist/kajaman

 

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