Le Pressionnisme /// Les créateurs, La Pinacothèque – Paris
L’exposition « Le Pressionnisme 1970 – 1990, les chefs-d’œuvre du graffiti sur toile de Basquiat à Bando », rassemble depuis le 12 mars 2015 et jusqu’au 13 septembre prochain à la Pinacothèque de Paris près d’une centaine d’œuvres réalisées entre les années 1970 et 1990 par les plus grands maîtres du graffiti sur toile. Ces chefs-d’œuvre mettent en lumière l’histoire cachée de ce mouvement, injustement associé au tag et mal identifié par l’histoire officielle de l’Art.
.
Retour d’exposition par l’artiste Lady. K (billet contributeur sur street-art-avenue)
Du writing au pressionnisme.
Le célèbre graffeur Rammellzee a dit: «le mot graffiti aide ces gens et les intellectuels à maintenir nos capacités au niveau le plus bas possible».
Alain-Dominique Gallizia (Commissaire de l’exposition), qui était très ami avec Rammellzee, a réinventé dans cette exposition l’espace poïétique autour du graff 20 ans après le post-graffiti de Sydney Janis. En 20 ans le graff s’est considérablement enrichi, de nouveaux artistes ont fait leur apparitions à travers le monde. Le mouvement pictural au lieu de s’essouffler comme bien d’autre, suit l’air du temps, sachant se renouveler. Il refait surface comme la figuration narrative en 2006.
Du writing au pressionnisme (ou Pressure Art), la base est la même, des lettres, des figures, de l’abstrait, des paysages. Les contextes changent, la répression, le public aussi, et des nouveaux acteurs ont enrichi, participé à l’expansion du graff.
Une proposition tridimensionnelle valorisant des espaces bi-dimensionnels.
Lorsque l’on entre dans l’espace d’exposition, on est tout de suite happé par la scénographie harmonieuse et colorée qui nous attire à elle, et qui de pièce en pièce change son choix chromatique. La lumière y est orangée et tout participe à l’irréel, on a l’impression d’être dans quelque chose de très beau, et très mystérieux. Les toiles exposées sont toutes extraordinaires. Chaque œuvre des auteurs qui ont participé à l’élaboration des codes du graff, est éclairée d’une lumière unique.
On apprécie l’évolution commencée dans les années 70 du tag en wild style. On appréciera cette jeunesse américaine qui bien qu’étant issue d’une condition sociale et ethnique n’étant pas mise en avant sur la scène culturelle américaine, a pris les devant en créant leur propre culture, dans un élan proche des constructivistes russes.
On passe de surprise en surprise dans le plus grand ravissement.
Les wilds styles de Phase 2 inscrivent le graff dans l’abstraction avec ses contours transformés en lignes pour fabriquer des mailles laissant filtrer la couleur.
Les abstractions de futura2000 nous entraînent avec la finesse de ses traits sculptés aux confins des particules atomiques électrisées.
L’autoportrait très expressif de Lady Pink, nous évoque le magnifique symbole qu’elle est. Forçant le respect, cette artiste allait peindre des trains, à une époque où peu de gens en peignaient et encore moins des filles. Elle aura apporté une touche résolument féminine dans l’univers du graff.
Le freestyle de Jonone devient un puzzle de couleurs abstrait, complètement bouleversant.
Du surréalisme au pressionnisme.
Il y a chez Alain-Dominique Gallizia quelque chose entre André Breton, Aldo Van Eyck et Dubuffet qui se mélange pour aboutir à des projets toujours à la démesure du surréalisme dont il semble hériter. Alain-Dominique Gallizia arrive à unifier les multiples œuvres aux styles très différents dans une parfaite cohérence. Le mouvement CoBrA avait son architecte pour leur faire de superbes scénographies, c’est au tour du pressionnisme à présent. Le pressionnisme peut être heureux d’avoir un tel ambassadeur pour faire découvrir ce mouvement dont les subtilités sont largement méconnues, même si nous en trouvons à tous les coins de rue.
Si vous n’aimez pas, car vous ne comprenez pas le graff, il se chargera de vous faire changer d’avis, puisqu’il est aussi expert en graff. On peut se demander quels sont les savoirs qui échappent à cet homme dont la pensée synthétique se compose aussi bien de sciences humaines, que de sciences économiques.
Si vous avez envie de participer aux visites guidées, Alain-Dominique Gallizia tressera certainement vos axones avec les axiomes des lignes contenues dans les trames de lin exposées.
Il m’a fait découvrir, redécouvrir, et même aimer des œuvres dans lequel je n’arrivais pas à entrer. Depuis je regarde les tags et graffs avec un renouveau, moi qui était lassée de ce nihilisme ambiant.
Rédaction : Lady. K
photos : © Pascal clark
Le pressionnisme, La Pinacothèque, 28, Place de la Madeleine, 75008 Paris. Jusqu’au 13 septembre 2015.