Balade cubaine /// La Havane, côté street
Même si les autorités cubaines laissent peu de liberté aux street artistes locaux la situation évolue légèrement et inégalement, selon le degré contestataire des œuvres.
Une tolérance très mesurée dans l’espace public toujours considéré comme un domaine hautement sensible… Les murs naguère consacrés exclusivement à la propagande du régime ne sont pourtant plus ce qu’ils étaient !
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En visitant la capitale cubaine tout fan de street art ne devrait pas se limiter au (très) célèbre Callejón de Hamel, cette ruelle au charme décalé, image colorée d’un univers mystique inspiré par la Santeria, cette religion mêlant catholicisme et croyances vaudoues d’Afrique issues de l’esclavage.
Le succès touristique de cette petite artère ne gêne nullement les autorités. Mais pour ce qui concerne à proprement parler l’art urbain -version graffiti, la situation s’avère beaucoup plus compliquée !
Pour peindre sur les murs plus ou moins librement à la Havane, il vaut mieux bannir tout aspect politique du propos plutôt que dénoncer ouvertement les travers du régime castriste. Car l’alternative est simple pour les gardiens de l’orthodoxie : ou bien c’est « artistique » –autrement dit sans signification particulière- ou bien c’est « contre-révolutionnaire » … La frontière de la légalité s’avère des plus ténues, et « l’outrage à la Révolution » n’est jamais très loin …
Plusieurs artistes sont victimes de cet autoritarisme et s’affrontent durement à la censure rampante. Selon les cas, il tiennent bon, s’adaptent ou jettent l’éponge.
El Sexto, artiste contestataire populaire à La Havane, a enduré deux incarcérations de plusieurs mois : en 2014 pour avoir envisagé de lâcher deux cochonnets affublés des prénoms de Fidel et Raul … (Cherchez l’erreur !) avant d’être libéré grâce à une campagne d’Amnesty International. Il a reçu le Prix Vaclav Havel de la « dissidence créative ». En 2016 il est de nouveau emprisonné pour avoir écrit sur un mur « Se fue » (Il est parti) le lendemain de la mort de Fidel Castro. Il a depuis émigré aux USA.
Yulier P , connu pour ses peintures aux personnages poétiques mais non dénuées de signification politique, s’est lassé de la guérilla policière. Il a remisé bombes et pinceaux et choisi de peindre non plus sur des façades, mais sur de simples fragments de tuiles récupérés sur les chantiers qu’il dissémine dans la ville . Comme des bouteilles à la mer…
Fabian, aka 2+2=5, -une référence à George Orwell- met en scène son personnage cagoulé Supermalo, et s’exprime pour tous les Cubains qui ne peuvent pas parler. Toujours en butte aux tracasseries administratives il se fait aujourd’hui plus discret.
MYL reste sans doute le plus actif sur l’ensemble de la ville, avec ses crânes à la mâchoire imposante, ou ses créatures féminines au postérieur hypertrophié et en bas résille.
Les quartiers les plus touristiques de la capitale cubaine font l’objet d’une surveillance policière sans faille et n’y subsistent le plus souvent que des œuvres anciennes qui dépérissent au rythme de la décrépitude des façades.
Des artistes de renommée internationale se hasardent de temps en temps dans la capitale cubaine et laissent des traces de leur passage, comme Rone, Noe Two ou JR à plusieurs reprises et encore en 2019 pour la Biennale de La Havane.
En s’éloignant des quartiers les plus en en vue, notamment en direction de la zone sud de La Habana Vieja, autour des calle San Isidro, Habana, Merced, à proximité de l’Estacion Central, on note un certain foisonnement d’oeuvres récentes (2019) qui témoignent d’une vitalité croissante du street art.
En tout cas MYL –encore lui – semble impulser dans ce quartier une réelle dynamique.
Faut-il y voir le présage d’une évolution prochaine sur toute la ville ? Rien n’est moins sûr à court terme, mais il est certain que ça bouge …
Ce survol partiel et daté (2019-2020) de la capitale cubaine permet au moins de se rendre compte de la vitalité d’un art pourtant très surveillé, voire réprimé. C’est la preuve évidente de l’aspiration de la jeunesse à intervenir dans l’espace public, et -au-delà- à vivre de manière plus libre.
Texte & photos : Alain
Voir aussi :
www.facebook.com/StreetArtCuba
Yulier P : www.facebook.com/Yulier-Rodriguez
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